La Règle du Temple.

Voici la règle de la très sainte chevalerie du Temple, telle qu'elle fut établie à Troyes, sous la conduite de Dieu, avec la grâce du Saint-Esprit, pour la fête de saint Hilaire, en l'an 1128 de l'incarnation du Fils de Dieu, neuvième année depuis le commencement de la dite chevalerie. Elle est le fruit de ce qui fut entendu de la bouche de Maître Hugues de Payns, qui expliqua les divers chapitres, coutumes, manières et observances de la Maison. Ce qui sembla bon et profitable fut loué, et ce qui paru inutile fut rejeté.

Article 1 - des offices.

- De l'audition de l'office divin.

Vous qui renoncez à vos propres volontés pour être, pour le salut de vos âmes et à tout jamais, les soldats du Souverain Roi par les armes et à cheval, vous vous appliquerez dans tous les cas à entendre avec un pieux désir l'office en entier selon les dispositions canoniques. A cela vous vous devez, vénérables frères, parce que vous avez promis de mépriser ce monde trompeur, perpétuellement, pour l'amour de Dieu, aux dépens de la vie présente et des tourments de vos corps. Fortifié et instruit des préceptes de la religion, nul ne doit, après l'accomplissement de l'office divin, craindre d'aller à la bataille, mais doit être prêt pour la couronne du sacrifice.

- Que faire si l'on n'a pu entendre l'office.

Mais si d'aventure, pour les besoins de la chrétienté d'Orient, un frère est éloigné, et qu'il ne peut entendre l'office divin, nous lui demandons de dire de vive voix treize Pater Noster.

Article 2 - des frères défunts.

Lorsque Dieu fait son dernier commandement à un frère, nous demandons de dire une messe solennelle pour le repos de son âme. Les frères passeront la nuit toute entière en oraison, et ils s'acquitteront de cent oraisons durant les sept jours qui suivent le décès. Aussi prions-nous, au nom de la miséricordieuse et divine charité, que chaque jour, soit dépensé ce qui devait être donné au frère disparu, et ce jusqu'au quarantième jour, pour sustenter un pauvre tant en viande qu'en boisson.

Article 3 - des repas.

- De l'attitude et de la tenue durant le repas.

Au palais, qu'il serait mieux de nommer réfectoire, vous devez manger en commun. Le repas ne doit pas être l'occasion de débats et de polémiques et pour cela les frères doivent rester aussi silencieux que possible.

Il faut que les frères mangent deux à deux, afin qu'ils aient le souci l'un de l'autre. Il nous semble juste que chacun reçoive une égale mesure de vin.

- De la lecture durant le repas.

On récitera la sainte Écriture tout le temps que dure le déjeuner et le dîner.

- De la consommation de viande.

Il vous suffit de manger de la viande trois fois par semaine, le mardi, le jeudi et le dimanche, parce qu'une trop fréquente consommation de viande altère le corps. Les autres jours, à savoir le lundi, le mercredi et le samedi, nous croyons suffisant de donner deux ou trois plats de légumes ou d'autres aliments ou encore de la soupe. Le dimanche, il sera donné deux plats de viande à tous les frères du Temple ainsi qu'aux chapelains. Les autres, écuyers et sergents, se contenteront d'un seul en rendant grâce à Dieu.

- Des aliments du vendredi.

Le sixième jour que soit donnée la nourriture du carême, par respect pour la passion du Christ, à toute la congrégation, à l'exception des malades et des faibles.

- Du don de la dixième part du pain.

Il convient de faire donner aux pauvres chaque jour par votre chapelain le dixième du pain. Aussi, que les restes de pain des repas soient donnés aux pauvres et aux serviteurs par charité fraternelle.

Article 4 - du silence et du dortoir.

- Du silence.

A la fin des complies, il convient d'aller se coucher. Alors, aucune permission n'est donnée aux frères de parler publiquement à moins d'une impérieuse nécessité. Si cela est nécessaire, qu'il le fasse avec modération. Dans les entretiens, nous défendons toutes les paroles oiseuses, les bouffonneries et les éclats de rire.

- Du dortoir.

Nous commandons qu'il échoit à chacun un lit pour dormir avec la literie qui convient, et que les frères dorment en commun. Là où dormiront les frères qu'une lampe brûle jusqu'au matin.

Article 5 - des vêtements et de la barbe.

- Du blanc manteau.

Nous octroyons à tous les frères chevaliers le manteau blanc, signe de pureté, en hiver comme en été, puisqu'ils ont abandonné une vie de ténèbres. Le drapier doit attribuer aux frères des vêtements à leurs justes mesures. Que les écuyers et les sergents soient vêtus de bure.

Il n'est permis à aucun homme d'avoir des habits ou des manteaux blancs qu'à ceux qui sont nommés chevaliers du Temple.

- De la barbe.

Tous les frères du Temple doivent avoir les cheveux ras et il ne doit y avoir aucune inconvenance dans le port de la barbe et des moustaches, qui est obligatoire.

Article 6 - des écuyers et des chevaux.

Chaque frère ne peut avoir que trois chevaux, à moins qu'il n'ait une permission du Maître.

Chaque frère ne peut avoir qu'un seul écuyer.

Article 7 - du service à terme.

A tous les chevaliers qui, l'âme pure, désirent servir à terme dans cette maison, nous commandons de se procurer un cheval, des armes et tout ce qui leur sera nécessaire. Ensuite, nous demandons à l'une et l'autre partie d'apprécier équitablement la valeur du cheval, et pour qu'il ne soit pas oublié, de noter par écrit son prix. Que tout ce qui est nécessaire au chevalier, à son écuyer et à ses chevaux leur soit donné selon les ressources de la Maison. Si à la fin de son terme, le chevalier désire regagner son pays, qu'il laisse par amour de Dieu la moitié du prix de son cheval au Temple et il recevra l'autre moitié comme un don des frères.

Article 8 - de l'obéissance.

Il convient que les chevaliers qui sont profès, pour accomplir leur service, pour obtenir la gloire béatifique ou pour éviter le feu de l'Enfer, observent une obéissance sans faille envers le Malte. Lorsqu'un ordre aura été émis par le Maître, ou par celui à qui le Maître en aura donné le pouvoir, qu'il soit exécuté sans le moindre délai comme si c'était Dieu qui l'avait commandé.

Article 9 - de la guerre.

- Du campement.

En campagne, lorsqu'ils sont au campement, aucun chevalier, ni aucun écuyer, ni aucun sergent ne doit aller au campement d'un autre chevalier pour le voir ou pour lui parler sans la permission du Maître ou de son représentant.

- Des combats.

Nous commandons que nul ne combatte ni ne se repose selon son propre vouloir, mais qu'il le fasse selon le commandement du Maître ou de son représentant.

- De l'absence de fourreaux pour les lances et les écus.

Que nul n'ait de fourreau ni pour l'écu ni pour la lance, car ce n'est d'aucun profit mais au contraire fort dommageable.

Article 10 - des possessions.

- Que nul ne demande si ce n'est ce qui est nécessaire.

Nous commandons qu'aucun frère du Temple ne s'octroie de lui-même un cheval, une armure ou des armes. Si l'infirmité d'un frère, ou la faiblesse de ses chevaux ou de ses armes est reconnue telle qu'elle fasse préjudice à la communauté, que celui-ci vienne trouver le Maître ou celui qui le représente et qu'il lui expose la chose sincèrement et de bonne foi. Ensuite, c'est au Maître ou & son représentant de régler la chose.

Des malles et des sacs.

Sans la permission du Maître ou de celui qui le représente, nul ne peut avoir de malle ou de sac avec une serrure. A cela ne sont tenus ni les commandeurs ni le Maître.

- De l'envoi des lettres.

Sans l'autorisation du Maître ou du commandeur, un frère ne doit recevoir de lettres ni de ses parents ni d'autres personnes. Lorsqu'il en aura reçu l'autorisation, s'il plaît au Maître, que les lettres soient lues en sa présence.

Article 11- de la chasse.

- De l'interdiction de la chasse au faucon.

Nous interdisons de pratiquer la chasse des oiseaux avec un autre car il ne convient pas à des religieux de goûter aux plaisirs du siècle. Que nul frère du Temple n'accompagne un homme qui chasse un oiseau avec un autre pour y participer.

- De l'interdiction de la chasse.

Nous commandons à tous les frères de ne pas se rendre dans les bois avec des arcs et des arbalètes pour chasser, ni d'aller avec ceux qui ont cette intention.

- De la chasse au lion.

Cette défense de chasser dite ci-dessus, ne s'entend pas du lion, car il rôde toujours en quête de quelqu'un à dévorer, qu'il est contre tous et que tous contre lui.

Article 12 - des frères malades.

Que les frères malades reçoivent avant tout des soins constants, et qu'ils soient traités avec patience et attention. Nous commandons aux infirmiers d'apporter aux a es tous les soins les plus diligents et les diverses nourritures nécessaires aux faibles, par la grâce de Dieu et selon les moyens la Maison, que ce soit de la viande, des volailles ou toutes autres choses qui servent à redonner la santé.

Article 13 - des relations avec les excommuniés.

Vous devez prendre garde et craindre beaucoup qu'aucun des chevaliers Temple n'ose communiquer en aucune manière, soit en particulier ou en public, avec un homme excommunié. Si un frère accepte de recevoir quelque chose de sa part, il encoure pareillement l'excommunication.

Article 14 - de tout ce dont il faut se garder.

Nous vous prions de fuir comme la peste la rivalité, l'envie, la jalousie, la calomnie, les chuchoteries, la médisance, la colère, la paresse et l'orgueil. Que chacun s'attache avec une âme vigilante à ne pas médire de son frère et à ne pas le condamner à son insu. Grande est leur cécité à ceux qui méprisent les autres, et grand est leur malheur à ceux qui ne peuvent dissimuler leur jalousie, car ils tomberont dans les pièges du démon.

Nous croyons que c'est une chose périlleuse pour une communauté religieuse d'être plus qu'il ne le faut sensible aux charmes des femmes. Et pour cela qu'aucun frère ne se laisse aller à embrasser aucune femme.

Article 15 - de la terre et des dîmes.

- Du don de terres aux chevaliers.

Nous croyons que cette communauté qui mêle vie religieuse et vie militaire, peut tuer par les armes sans culpabilité. Pour cela, nous jugeons à bon droit que vous portiez le nom de chevaliers du Temple avec le privilège remarquable d'avoir l'honneur de pouvoir posséder des terres et d'être le maître d'hommes et de vilains, en devant les gouverner et les gérer avec justice.

- De la dîme.

Vous qui avez abandonné les abondantes ressources du siècle, nous croyons que c'est de votre propre volonté que vous avez choisi la pauvreté, aussi nous estimons qu'il est juste, à vous qui vivez en communauté, que vous ayez la dîme.

(Source : B. Clerc - Miles Christi)