Jesper et le cousin Melchior.


Renard observait avec envie, Adaivorée, la jeune perdrix blessée qu'il avait recueillie et qui se tenait dans une belle cage suspendue à l’une des poutres du moulin, quand Malmort le léopard entra brutalement sans frapper.

Tous se précipitèrent pour l’accueillir. Tous sauf Renard qui, confortablement installé, contemplait la perdrix.

- Quelle joie de te rencontrer mon cousin, dit Jesper le vieux chat à l’attention de Malmort. Qu’il est bon de voir enfin des gens de sa famille. Mets toi à ton aise, fais donc comme chez toi.

Ce à quoi le léopard, qui avait de bien rustres manières, s’empressa.

Après avoir parcouru la pièce d’un regard inquisiteur, il se dirigea vers une brouette qu’il mena à l’aplomb de la cage, renversant le vieux chat, qui s'était assis là.

Puis avisant un tonneau, il le fit rouler et le plaça sur la brouette, manquant au passage d’écraser la taupe Soulamouss qui resta sans voix.

S’approchant de Renard, il saisit la chaise sur laquelle notre goupil était assis, mais le goupil a un sens aigu de la propriété. D'un coup de patte, il chassa l’importun.

La truffe égratignée, le félin se tourna vers une botte de foin sur laquelle Magnificus avait trouvé refuge et, bousculant le sanglier, la posa sur son échafaudage de fortune qui bientôt serait assez haut pour atteindre la cage.

- Tu ne peux faire cela ! dit Jesper qui avait compris le manège. Cette perdrix est l'hôte du moulin.

- Pourtant, elle serait délicieuse agrémentée de petits pois, répondit le léopard, posant sur la botte de foin un tabouret qu’il avait trouvé dans un coin.

- Mais elle n’est point victuaille, tenta d’argumenter le vieux chat dont les moustaches commençaient à frémir.

- Elle est volaille, cela rime avec ripaille ! lui répondit Malmort tout en commençant à grimper le long de l’édifice branlant.

Tentant toujours de le dissuader, Jesper escalada par l’autre côté.

- Tu ne peux en faire festin, poursuivit il en se léchant les babines.

- En civet, elle serait excellente, répondit le léopard en se hissant au sommet, mais c'est crû que je les préfère, et il ouvrit la cage, en sortit la perdrix et la plaça entre ses mâchoires.

Voyant cela, Jesper hâta son ascension, mais déséquilibra l’édifice précaire qui s’écroula sous le poids des deux félins.

Dans sa chute, le vieux chat atterrit toutes griffes dehors sur le dos de son cousin qui, hurlant de douleur, laissa échapper sa proie avant de s'enfuir par une lucarne haut placée.

Retrouvant ses esprits, Jesper vit la perdrix évanouie non loin de lui. La saisissant promptement, il couru au chaudron au dessus du feu, renversant au passage Juste, le pauvre singe qui se trouvait là. Puis y plaçant sa protégée, le vieux chat referma le couvercle.

- Elle sera bien plus en sécurité en cet endroit, dit il en humant la fumée qui se dégageait du récipient.

Juste s’approcha, ouvrit le couvercle, et regarda l’oiseau s’envoler dans les airs.

- Tu ne peux faire cela ! dit le singe au vieux chat.

Ton cousin a tenté d’en faire son repas.

Toi qui t’y opposait, ami, ne vois tu pas,

Que tu ne fais rien d’autre, que de suivre ses pas ?

Librement inspiré de « Séance pleine air »

Auteur : DVH